Considérant que la photographie est un médium artistique aussi noble que la peinture, je m’intéresse à sa dimension plastique et, de fait, aux méthodes artisanales, particulièrement à la gomme bichromatée, ancienne technique alliant à la fois l’art de la nuance, de la matière et du dépouillement.

À l’instar du pictorialisme des années 1920-1930, la pratique de la gomme bichromatée, en se distinguant du rendu mécanique de la réalité, permet des tirages plus doux, où le flou abolit les frontières entre peinture, dessin, gravure et photographie.

Après avoir étalé un mélange de couches fines sur le papier, j’insole la feuille avec le négatif posé dessus et l’immerge dans un bac d’eau claire. L’émulsion durcit là où elle est soumise à la lumière. C’est alors qu’intervient une phase soit de dépouillement passif – l’image est livrée à l’action de l’eau sans aucune intervention – soit actif, avec un pinceau. Ce moment est capital. Chaque intervention se fait en toute humilité : l’aspect final de la gomme dépend de la couleur, de la densité, de l’épaisseur de la couche et surtout de l’image que je souhaite obtenir. C’est une question de pratique et de sensibilité, le résultat demeure aléatoire, le papier est indocile, les réactions chimiques sont autonomes...